AUBOIS DE TERRES ET DE FEUX
Un homme attachant dans une période contrastée. Tel nous apparaît Alexandre Aguado, gentilhomme
sévillan qui, d’abord opposé à l’envahisseur français, participe aux combats. Il se laisse cependant séduire
par les idées des Lumières auxquelles certains militaires bonapartistes sont restés fidèles.
Dans une Espagne encore figée dans le carcan des traditions, il exprime son désir de voir son pays
évoluer. Accusé de traîtrise, il doit s’exiler avec son épouse, Carmen, et choisit la France.
Mais les Bourbons ont réintégré le trône et il est tenu à l’écart des fonctions politiques. Il s’impose à Paris
(19e arrondissement) par une activité commerciale et financière et oeuvre pour la famille qu’il a fondée.
Il soutient son pays d’origine par des financements d’envergure et investit aussi en Île-de-France (Évry),
dans le Médoc (Château-Margaux) et en Berry (Grossouvre, Cher). Le couple se fait remarquer par un
train de vie fastueux.
Propriétaire de luxueuses demeures, ce mondain généreux collectionne des oeuvres d’art et ses fils
pratiqueront la photographie, alors à ses débuts. Lui-même, puis sa famille proche de la cour de Napoléon
III, ont exercé un important mécénat.
Jean Lavallée est né à Grossouvre (Cher) en 1841. Originaire de Haute Vienne et de l’Indre, sa famille est arrivée dans le
village vers 1811. Depuis plusieurs générations, elle travaille dans le transport, lié à l’industrie des forges. « Voituriers de
bât, voituriers par terre », les Lavallée circulent au gré des besoins entre les différents bassins métallurgiques, au pas de
leurs mulets. Jean grandit et fréquente l’école de Grossouvre (hameau de Véreaux). Il habite non loin du haut-fourneau et
du canal de Berry (ouvert à la circulation depuis 1837). Le bourg s’accroit (maisons bâties par la famille Aguado
propriétaire des terres de Grossouvre, de l’usine et des forges de Trézy à La Chapelle-Hugon).
La mort de son père (journalier aux forges), le remariage de sa mère avec le maître charbonnier Charles Fort vont amener
le jeune homme à travailler dans les forêts. Le charbon de bois nécessaire à la marche du haut-fourneau ou aux besoins
domestiques est une activité importante dans la région. En 1861, Jean est charbonnier lorsqu’il épouse Jeanne Lancelot,
fille d’un forgeron (Usine de Grossouvre puis de Fourchambault). Ses économies sont placées chez son employeur la société
Boigues et Rambourg.
En 1863, la commune de Grossouvre est créée, composée de terres prises sur La Chapelle-Hugon, Véreaux et Sancoins.
Ernest, fils unique de Jean, naît à Grossouvre en 1866, un an avant le départ de la famille Lavallée pour Sancoins.
Dans cette ville active avec ses foires et marchés, son port sur le canal de Berry, Jean est employé de bois pour la société
Paviot- Bouziat. En 1867 Jean-Baptiste René Paviot s’associe à Ernest Bouziat pour le commerce de bois et opérations de
banque. Ils achètent le bois sur pied à des particuliers ou de gros propriétaires, le font couper, et le revendent.
En 1876, Paviot et Bouziat se séparent. Jean a toute la confiance de son employeur et après la mort de Paviot en 1883, il
devient l’associé de Paviot fils en 1884.
A Grossouvre, le haut-fourneau est éteint ; la société Châtillon-Commentry met en vente le site en 1885. Paviot et Lavallée
achètent les forges, l’étang, les Galeries, et les barres ouvrières du bourg. Jean Lavallée attaché à ce village rachète la part
de son associé en 1887.
René Paviot, malade, décède en 1888. Jean continue seul l’activité de commerce et de banque, à son domicile rue Denfer, à
Sancoins. Il est néanmoins maire de Grossouvre.
Il diversifie ses investissements en achetant une forêt de 75 ha de pins en Auvergne non loin de Brassac-les-Mines. Il ouvre
un magasin de bois et charbons, à Clermont-Ferrand.
A Sancoins, Jean investit dans des terrains rue de la Rabutelle (actuellement Marguerite Audoux), cédés ensuite à son fils
Ernest ; celui-ci, jeune marié, va y bâtir en 1898 une belle demeure et dans une des ailes, la banque Lavallée (Hôtel du
Parc actuel). Le père et le fils travaillent ensemble et ont des projets pour Grossouvre. Jean, actionnaire un temps à la
tuilerie Perrusson de Sancoins a pu se rendre compte qu’elle était de bon rapport. Par un acte d’échanges avec la famille de
Madame Ernest Lavallée (les Guillerand), Jean devient propriétaire d’une carrière à La Jaloterie à Grossouvre en 1899.
Et en 1901, une société en commandite est créée entre Ernest Lavallée, majoritaire, son père Jean qui amène le terrain, la
baronne de Bastard, veuve résidant au Château de Grossouvre, son fils Henri de Bastard, officier de marine, et Hyppolyte
Barillet, employé de la banque Lavallée. La tuilerie mécanique de Grossouvre est née avec comme raison sociale « ERNEST
Lavallée et Cie ». Peu avant Noël 1902, Jean s’éteint à Sancoins.
A Grossouvre, les grandes cheminées vont continuer de pousser au dessus de l’usine au gré des années, activées par des
générations d’ouvriers. De nos jours, Imerys continue l’aventure…
Sources : Bernard Declerck (ATF), Archives départementales du Cher, de l'Indre et du Puy-de-Dôme, Famille Pabion
Auguste Mahaut naît à Nérondes (Cher) en 1842. Dans la famille, on est marinier de père en fils. Son
grand-père déjà convoyait, entre le Nivernais et Nantes, des ancres et des chaînes fabriquées à Cosne-
sur-Loire et à Guérigny (Nièvre). La famille Mahaut se trouve à la tête de l’une des plus importantes
flottes de Loire.
Durant sa scolarité, Auguste reçoit un enseignement «professionnel» et, à 16 ans, il travaille avec son
père, installé à Orléans (négoce de charbon) et navigue avec lui sur la Loire.
Auguste Mahaut se marie en 1864 et s’associe la même année avec son père. Par la suite, il dirige une
grosse entreprise de transport fluvial, basée à Roanne, qui effectue le convoyage de pyrites.
En 1870, Auguste Mahaut doit quitter la Loire car la concurrence avec le chemin de fer est très rude
pour la batellerie. Les entreprises Mahaut font le choix des canaux pour continuer leurs activités.
Dès lors, Auguste Mahaut "entre en croisade dans le mouvement canaliste". Sa riche expérience de
marinier de Loire le pousse à défendre les canaux. Dès 1874, il entre dans le débat sur ces voies d’eau.
Il interpelle les autorités tant sur l’état des canaux que sur les améliorations à leur apporter.
En 1876, Auguste Mahaut sensibilise les Députés sur les taxes qui étouffent la navigation. En 1879, il
revendique la baisse de ces taxes.
Le surnom "d’Apôtre des canaux" lui est donné par l’Amiral de Cuverville, Ministre de la Marine.
En 1895, à Nantes, un comité est créé "La Loire Navigable" avec pour objectif de revaloriser la
navigation et le commerce sur ce fleuve.
Au cours d’une conférence donnée à Montluçon en 1898, Auguste Mahaut se heurte à ce comité. Lors
du congrès de Blois en 1899, les loiristes le repoussent au cours de vifs débats.
Monsieur Pergeline, Président du Tribunal de Commerce de Nantes et auteur d’un texte «Inconvénient
de la Loire», soutient l’engagement de Mahaut. Les deux hommes écrivent de nombreuses lettres et
brochures. Ils organisent des conférences, pour démontrer que la Loire est sans cesse à aménager
pour la navigation, chenal ou chemins de halage, que les canaux même si l’investissement est plus
lourd restent fiables, rapides, et d’un faible coût d’entretien. Ils proposent de nouveaux tracés ou
améliorations de canaux. Ils obtiennent de plus en plus d’appui auprès de personnalités du monde
politique.
Lors de la session parlementaire de 1900, les Députés ne votent pas l’intégralité du programme
soutenu par la société "La Loire navigable" et demandent des essais complémentaires.
Et en 1912, lors du congrès des travaux publics à Paris, les travaux d’aménagement de la Loire sont
déclarés peu probants. C’est une grande victoire pour Auguste Mahaut et ses amis du mouvement
canaliste.
Pendant la guerre de 1914-1918, les antagonismes Loire et canal sont mis de côté. Auguste Mahaut
perd deux amis, militants pour la cause des Canaux.
Mais l’espoir reprend en 1923 : des projets de construction d’un canal latéral à la Loire entre Orléans et
Angers et aussi d’un canal de la Loire au Rhône sont présentés par le Ministre des Travaux Publics.
Le 1er juin 1925, Auguste Mahaut est honoré par les habitants de Marseilles-lès-Aubigny, lors d’une
grande fête.
Il décède en 1930 et repose dans le cimetière du village. Une plaque est apposée sur la maison où il a
vécu, entre Loire et canal sur le quai qui porte désormais son nom. Le trafic, dans le port toujours actif
où résonnent les bruits du chantier de bateaux Evezard-Raymondo, s’est bien transformé.
Sources : Article D. Papillon, Bulletin Municipal 1999, Marseilles-les-Aubigny - Archives du Cher
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